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  1. La République d’Aldébaran, grande puissance militaire et économique, compte sur son territoire de grandes multinationales très actives dans l’exploitation de ressources naturelles, comme le charbon ou le gaz. Par ailleurs, elle s’est particulièrement illustrée en tant qu’Etat précurseur dans l’installation, la mise en place et le développement des réseaux de communications électroniques mondiaux, notamment par le biais de l’entreprise privée Aldébaran-Telecom, encore aujourd’hui à la pointe de la technologie. Le pays héberge également un certain nombre de médias d’influence internationale, présents dans les milieux de la télévision, du contenu audiovisuel en ligne, de la radio ou encore du journalisme.
  1. Le Buena Gente est un archipel limitrophe de taille plus modeste, membre de l’OTAN. Il est situé à 450 kilomètres au large des côtes de la République d’Aldébaran. L’économie du Buena Gente repose principalement sur la vente de métaux rares. Depuis son indépendance, en 1991, le Buena Gente est dirigé par le Parti de la Nation qui s’est imposé lors des premières élections libres, avec le soutien de la République d’Aldébaran. Le Parti de la Nation a remporté les élections présidentielles de 1998, de 2005, et de 2012, mais l’opposition et les observateurs internationaux ont dénoncé des fraudes importantes lors des deux derniers scrutins.
  1. En 1992, le gouvernement du Buena Gente a signé un traité de coopération commerciale avec la République d’Aldébaran. En vertu de cet accord, les gisements de métaux rares du Buena Gente sont exploités par Aldébaran Energie, qui reverse au Buena Gente 30% des bénéfices issus du commerce de ces ressources. L’accord de coopération comprend également un volet sur le déploiement des infrastructures numériques. En vertu de cet accord, la République d’Aldébaran s’engage à assurer la transition numérique au Buena Gente par le déploiement des réseaux en fibre optique. L’entreprise Aldébaran-Telecom est chargée de la réalisation du projet. Un câble sous-marin très haut débit « Erebus » relie depuis 1999, la République d’Aldébaran au Buena Gente. Le câble est exploité par Aldébaran-Telecom. En 2005, plusieurs réseaux en fibre optique ont été déployés sur le territoire du Buena Gente. Aldébaran-Telecom en assure le contrôle et la maintenance technique. Buena Gente Digital, entreprise d’Etat placée sous la tutelle du ministère de la communication du Buena Gente, fournit les services de communications électroniques.
  1. Malgré la richesse en ressources naturelles dont bénéficie le Buena Gente, le pays s’est enfoncé dans une crise économique.
  1. En février 2015, le gouvernement du Buena Gente, fortement soutenu par la République d’Aldébaran, est renversé par un mouvement populaire qui dénonce la situation de domination politique et économique du pays. Le Parti de la libération a pris le pouvoir. En mars 2015, le nouveau gouvernement du Buena Gente dénonce le traité de coopération commerciale signé avec la République d‘Aldébaran, en application de la procédure de dénonciation prévue par le texte. Le Parlement adopte une loi nationalisant les entreprises d’exploitation des métaux rares et ouvrant le marché des ressources naturelles au commerce international. Une seconde loi transfère le contrôle et la maintenance technique des réseaux nationaux de fibre optique à l’entreprise Buena Gente Digital. En 2016, le gouvernement du Buena Gente conclut un accord de protection militaire avec le Royaume d‘Al-Salam, puissance émergente dans la région. Parallèlement, le gouvernement du Buena Gente révèle le projet, d‘ores et déjà bien avancé, de construction d’un nouveau câble sous-marin « Ariel II » passant par le Royaume d‘Al-Salam, devant renforcer leur indépendance vis-à-vis de la République d’Aldébaran. L’objectif affiché est d’opérer une transition progressive des communications électroniques vers ce nouveau câble.
  1. Ces évènements ont irrémédiablement tendu les relations entre le Buena Gente et la République d’Aldébaran. En janvier 2016, une première controverse éclate au grand jour. La Commission Interne Antiterroriste sous la tutelle du ministère de l’Intérieur de la République d’Aldébaran enquêtait alors sur des ressortissants dudit Etat, Mme Anna et M. Kin, l’investigation l’ayant menée à s‘intéresser à leur communications. Conformément à la procédure prévue par la Loi relative à la sécurité intérieure de la République d’Aldébaran du 14 février 2014, la Commission Interne Antiterroriste a formulé une requête auprès de la multinationale HUB, établie dans la République d’Aldébaran, relative à l’accès aux courriers électroniques de Mme Anna et de Kin. Cette dernière s’y est opposée : lesdites communications étant physiquement stockées sur un serveur situé sur le territoire du Buena Gente, elle a considéré que la loi servant de fondement à la demande ne saurait trouver une application extraterritoriale, et que de ce fait les mécanismes du traité d’assistance judiciaire mutuelle liant la République d’Aldébaran et le Buena Gente depuis le 1er janvier 2006 devaient être mis en œuvre. Selon ce dernier, la communication d’informations situées sur le territoire du Buena Gente dans le cadre d’une enquête pouvant aboutir à une condamnation pénale doit préalablement faire l’objet d’une demande d’entraide auprès du ministère de l’Intérieur du Buena Gente, qui prendra après examen la décision de transmettre ou non les informations objet de la demande.Le désaccord a persisté jusque devant la Magna Curia, dernier degré de juridiction de la République d’Aldébaran, qui tranche en faveur de la Commission Interne Antiterroriste le 16 janvier 2016. Selon les juges de la Magna Curia, les données étaient accessibles depuis le territoire de la République d’Aldébaran, de sorte que l’on ne saurait parler d’application extraterritoriale d’une loi nationale. La décision est très médiatisée, surtout au Buena Gente. Le gouvernement de ce dernier y voit un affront, certains ministres osant se prononcer en qualifiant la situation de « mépris de la souveraineté du pays ».
  1. Une seconde affaire vient ébranler l’équilibre diplomatique vacillant entre les deux pays en début d’année 2017. Un informateur, anonyme par l’utilisation d’un réseau overlay mondial, dévoile des indices relatifs à la surveillance des communications de l’ambassade de la République d’Aldébaran dans la capitale du Buena Gente. L’hypothèse est confirmée par une enquête approfondie, apportant le constat qu’un certain nombre de communications entre le gouvernement de la République d’Aldébaran et son ambassade, notamment les conversations téléphoniques et échanges d’emails, étaient systématiquement interceptées par l’agence Nouvelle Stratégie Antiterroriste du ministère de l’Intérieur du Buena Gente. Le scandale fait beaucoup de bruit dans les médias de la République d’Aldébaran, mais ne donne lieu à aucune suite diplomatique apparente. Au Buena Gente, certains médias « libres » doutent de la véracité de ces informations, tandis que d’autres y voient des mesures nécessaires pour assurer leur sécurité.
  1. En janvier 2018, après trois ans de tensions sur les plans tant économique que politique, une structure d’activistes fait son apparition au sein du Buena Gente: Orgullo. Elle se fait connaître à travers toute la région par une action coup de poing. Dans la nuit du 18 au 19 janvier 2018, des sites web du gouvernement et de grands médias de la République d’Aldébaran se sont retrouvés défigurés ou détournés. Les adresses et certaines pages desdits sites affichaient des messages politiques relatifs à l’indépendance du Buena Gente ou à l’influence que le gouvernement de la République d’Aldébaran aurait exercée sur le Parti de la Nation jusqu’en 2015, qui aurait notamment engendré l’actuelle crise économique ravageant le pays. L’opération est revendiquée par Orgullo dans la soirée du 19 janvier, et des récidives sont annoncées.
  1. Le gouvernement de la République d’Aldébaran enjoint sans attendre le Buena Gente de faire cesser les agissements provenant de son territoire. Son département de cyberdéfense a pu prouver leur origine, en apportant même la localisation précise de certains ordinateurs ayant servi aux auteurs. Ces informations sont également confirmées par Interpol. La République d’Aldébaran invite également le Buena Gente à discuter afin de trouver un accord, à défaut de quoi elle se devra de réagir. Néanmoins, le Buena Gente joue la sourde oreille. Il nie avoir été au courant de ces actions ou y avoir été mêlé, et affirme ne pas avoir les moyens de les réprimer.
  1. En juillet 2018, une deuxième opération de plus grande envergure est lancée par Orgullo. Le 16 juillet, à l’occasion des élections parlementaires de la République d’Aldébaran, les activistes font usage de réseaux de bots informatiques afin d’envoyer un nombre titanesque de requêtes HTTP aux serveurs hébergeant les sites web de médias, du gouvernement et de certaines banques de la République d’Aldébaran. Les serveurs inondés sont alors incapables de répondre aux autres requêtes « légitimes ». Un certain nombre de services en ligne, notamment l’administration et la banque se trouvent ainsi considérablement ralentis ou même paralysés pendant quelques heures. De plus, le système de vote en ligne qui devait être inauguré ce jour est complètement inutilisable.En conséquence, les élections ont été reportées, et en plus de la paralysie de certains services administratifs et de l’impact sur la réputation des victimes, le ralentissement de l’économie du pays aura engendré des pertes s’élevant à dix milliards de croisons républicains, devise de la République d’Aldébaran  (environ 2 milliards d’euros).
  1. La réponse de la République d’Aldébaran ne se fait pas attendre. Le lundi suivant, le 23 juillet 2018, elle notifie au Conseil de sécurité des Nations unies l’agression émanant du Buena Gente et son intention de répondre avec des moyens qu’elle estime conformes au droit international, en détaillant les mesures planifiées. Le 25 juillet 2018, l’opération « Armageddon » est lancée par son département de cybersécurité.  Les communications électroniques du Buena Gente passant toujours par le câble sous-marin « Erebus » sont détournées ou interrompues depuis sa station d’atterrissement sur le territoire de la République d’Aldébaran. L’impact sur les flux d’information du Buena Gente est considérable, la transition des communications vers le nouveau câble « Ariel II » construit en coopération avec le Royaume d’Al-Salam n’étant pas encore achevée.De plus, des malwares sont introduits dans les systèmes informatisés de gestion du trafic aérien et maritime du Buena Gente les rendant inutilisables. En conséquence, à défaut de pouvoir se reposer uniquement sur des solutions non-informatisées, la décision est prise de paralyser les ports et aéroports de l’archipel pour des raisons de sécurité.L’opération est maintenue pendant trois jours, du 25 au 27 juillet. Elle aura non seulement entravé le quotidien de la population du Buena Gente, mais également affecté son économie. Les pertes sont estimées à plus de cent milliards de gacos, monnaie du Buena Gente (environ dix milliards d’euros).
  1. Le Buena Gente, dévasté, introduit une requête devant la Cour internationale de justice le 15 août 2018.
  1. Selon sa requête introductive d’instance le Buena Gente demande à la Cour, en conformité avec le droit international :
    1. de dire et juger que l’injonction prononcée le 16 janvier 2016 par la Magna Curia, dernier degré de juridiction de la République d’Aldébaran, à l’encontre de la société HUB, de permettre à la Commission Interne Antiterroriste d’accéder aux courriers électroniques de Mme Anna et Kin, physiquement stockés sur le territoire du Buena Gente, au mépris du traité d’assistance judiciaire mutuelle préexistant entre les deux Etats, constitue une violation de la souveraineté territoriale du Buena Gente et du droit international ;
    2. de dire et juger que l’interruption et le détournement des communications du Buena Gente orchestrée par la République d’Aldébaran, en agissant depuis la station d’atterrissement située sur son territoire, ainsi que l’attaque dirigée contre les systèmes informatisés de gestion du trafic aérien et maritime du Buena Gente par le biais de malwares les rendant inutilisables, dans le cadre de son opération « Armageddon », constitue une violation du droit international.
  1. La République d’Aldébaran présente quant à elle une demande reconventionnelle, priant la Cour, en conformité avec le droit international :
    1. de dire et juger que l’interception de ses communications avec son ambassade par le Buena Gente constitue une violation du droit international ;
    2. de dire et juger que le Buena Gente a manqué à ses obligations internationales en ne mettant pas en place de mesures propres à sanctionner et mettre un terme aux attaques orchestrées par le groupe d’activistes Orgullo, et que le Buena Gente est ainsi responsable desdits agissements qui constituent une violation du droit international.
    3. de dire et juger que la réponse de la République d’Aldébaran par le biais de son opération « Armageddon » est conforme au droit international.

Informations complémentaires

  1. Les Etats parties au litige sont membres de l’ONU et des institutions spécialisées du système des Nations-Unies, dont l’Union Internationale des Télécommunications.
  1. Les Etats parties au litige ont notamment ratifié les conventions suivantes : la Convention sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 ; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ; la Convention sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001 ; la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982.
  1. Les Etats parties au litige reconnaissent la valeur coutumière en droit international des Articles sur la responsabilité des Etats pour fait internationalement illicite adoptés par la Commission de droit international en 2001.
  1. Les Etats parties au litige reconnaissent la compétence de la Cour internationale de justice.
  1. La demande incidente formée par la République d’Aldébaran est considérée comme recevable devant la Cour internationale de justice.
  1. Les Etats parties au litige sont membres d’Interpol.
  1. Aucun Etat mentionné n’est membre de l’Union Européenne.
  1. Le Buena Gente, membre de l’OTAN, partage les conclusions et réflexions des Manuels de Talinn.

 

DOCUMENTS ANNEXES

Carte

Capture d’écran